Histoire d'un exode : mise en perspective et documents complémentaires aux deux panneaux

I- L'engagement de nord-africains dans les armées françaises : une histoire ancienne

Contrairement à une idée reçue, les supplétifs ne sont pas une émanation de la guerre d’Algérie. Il faut les rattacher au mouvement d’autochtones pro-français qui naît dès 1830 avec le ralliement de tribus à la France. En 1831, des troupes indigènes sont engagées sous le drapeau français : les régiments de Zouaves et de tirailleurs (les « Turcos »), de Spahis sont là pour nous le rappeler. Très vite ils deviendront d’ailleurs des unités régulières de l’armée.Ces régiments s’illustrent dans la plupart des campagnes militaires entre 1850 et 1914 et sont en première ligne dans la bataille de France (1940), les campagnes de Tunisie (1942-1943), d’Italie (1943-1944), et jouent un rôle capital dans la libération de la France (1944) après le débarquement de Provence et dans les combats en Allemagne (1945). La France fait appel à nouveau à ces troupes quand éclate la guerre d’Indochine. Zouaves et tirailleurs sont parmi les régiments les plus décorés de l'armée française.

Engagés dans la guerre d'Algérie

Dès le déclenchement de la guerre d’Algérie, l’état-major lève des troupes supplétives pour appuyer ses troupes régulières. Cinq catégories sont ainsi mises sur pied afin de contribuer aux opérations de maintien de l’ordre et assurer la sécurité des populations soumises à la pression et aux violences du FLN : 

  • les groupes mobiles de protection rurale (GMPR) qui seront transformés en groupes mobiles de sécurité (GMS)
  • les sections administratives spécialisées (SAS), parmi lesquelles des Moghaznis
  • les harkis
  • les groupes d'autodéfense (GAD, en 1956)
  • les aassès des unités territoriales (UT)

Ces formations se développent jusqu'en 1961. On comptabilise alors quelque 100 GMS, 800 harkas, 740 maghzens et plus de 2 100 GAD. Au total, on estime à près de 200 000 le nombre d’hommes qui servent sous le drapeau français en 1961.
Le recours aux troupes supplétives a un triple objectif : quadriller le territoire, assurer la protection des villages et contrôler la population. Elles sont de précieux alliés dans ce climat de guérilla.

Les raisons d'un engagement

Engagements, enrôlements et ralliements sont les trois mots-clés pour comprendre pourquoi l’on devient supplétif. Au-delà de la fidélité à la France et à des traditions familiales d’anciens combattants, on peut aussi devenir supplétif pour faire face aux violences du FLN à l’encontre du village ou de la famille, parfois également pour échapper à la misère en touchant la solde, ou par fidélité au chef du village, à la figure du père…
Ce sont donc avant tout des choix de circonstances plus qu’un choix de nature politique ou idéologique.

Les enjeux sur le terrain

Il n’y a pas une Algérie mais plusieurs avec des différences entres les « communautés », celle des Français d’Algérie d’origine européenne, celle de quelques dizaines de milliers de familles autochtones qui vivent dans les villes ou dans des domaines agricoles et celle plus pauvre, essentiellement rurale, dont la population - en augmentation continue - subit les crises agricoles et reste soumise à une misère chronique tout au long de la première moitié du XXe siècle. C’est cette population qui devient l’enjeu principal pour le FLN et l’armée française durant la guerre d’Algérie. En ce sens, les SAS (sections administratives spécialisées) créées en 1955 sont chargées d’établir un contact avec la population rurale musulmane en lui apportant une assistance scolaire, sanitaire et médicale.
Elles ont aussi une mission de renseignement militaire.

1962, fin de la guerre et année du départ

À la fin de 1961, l’armée multiplie les propos rassurants quant à l’avenir des supplétifs.
Cependant, la dissolution des SAS en février 1962, le désarmement des troupes supplétives - souvent à leur insu - et leur démobilisation, plongent supplétifs et famille dans l’angoisse. Les accords d’Évian signés le 18 mars donnent des garanties formelles sur la sécurité des personnes en Algérie. Ces engagements restent lettre morte. Les supplétifs et leurs familles vont être victimes de massacres et d’arrestations en raison de leur engagement pour la France, et parfois les exactions seront le fait de révolutionnaires de la dernière heure.
Le nombre de victimes se comptera en plusieurs dizaines de milliers (aujourd’hui encore, ce n’est qu’une estimation impossible à préciser).
En avril, partir pour la France devient une obsession.
Cependant, alors que le gouvernement s’oppose au rapatriement incontrôlé des supplétifs, des officiers ramènent leurs hommes au péril de leur carrière ; d’autres organisent des filières plus ou moins clandestines pour sauver leurs harkis. Il y a entre 80.000 et 90.000 anciens supplétifs et membres de leur famille qui se réfugient en France principalement entre 1962 et 1965. A cela se rajoute les autres catégories de Français musulmans rapatriés (fonctionnaire, élite francisée, notables, militaires engagés, appelés, civils…) : près de 50.000 personnes
Un peu plus de la moitié passe par des camps de regroupement avant de rejoindre souvent des hameaux de forestage ou des cités urbaines.
Pour ceux qui restent en Algérie commence au mieux un rejet et une vie d’errance, au pire la mort.
Une autre vie commence ...

carte des hameaux de forestage.
Carte des camps, hameaux de forestage et cités urbaines

Extraits de l’exposition « Parcours de Harkis et de leurs familles », 2014, réalisée par le Ministère de la Défense/Secrétariat général pour l’administration/Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives - l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre/Œuvre nationale du Bleuet de France

II - Carte du parcours des harkis de la DBFM et de leurs familles

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III - Pour en savoir plus sur la période de la guerre d'Algérie

IV - De la DBFM à la FORFUSCO

La force maritime des fusiliers marins et commandos (FORFUSCO) est une des 4 composantes de la Marine nationale avec la force d’action navale, la force océanique stratégique et la force de l’aéronautique navale.
Elle compte environ 2.300 personnels, militaires et civils, réparties au sein de 18 unités implantées sur 10 sites en France. La FORFUSCO est articulée autour de deux grandes composantes :

  • les unités de fusiliers marins qui sont les forces spécialisées protection-défense de la marine
  • les unités de commandos marine qui sont les forces spéciales de la marine

Une longue histoire

La spécialité de fusilier marin est au cœur de la force maritime des fusiliers marins et commandos. Sa création remonte à 1856 avec la fondation de l’école des fusiliers marins (lien) qui assure encore aujourd’hui la sélection et la formation de tous les fusiliers marins et des commandos marine.
La FORFUSCO porte ainsi l’héritage de plus de 150 ans d’histoire et d’engagements au combat qui a notamment été marquée par l’engagement des fusiliers marins
dans :

  • les guerres napoléoniennes
  • les guerres coloniales du XIXe siècle et la guerre de 1870
  • la Première Guerre mondiale avec les batailles de Dixmude (1914), Niewport (1915-1917), Moulin de Laffaux (1918)
  • la Deuxième Guerre mondiale avec les campagnes d'Afrique du Nord, d'Italie, de France, le raid sur Dieppe, les débarquements de Normandie et Provence, le débarquement en Hollande, la prise de Berchtesgaden
  • la guerre d'Indochine
  • la guerre d'Algérie
  • depuis 1962, toutes les opérations extérieures majeures des armées françaises, en particulier au Liban, dans le Golfe Persique, en Bosnie, au Kosovo, en Somalie, au Rwanda, en Afghanistan, au large de la Somalie, au Mali, au Sahel et en République Centrafricaine

La Demi-Brigade de Fusiliers Marins (DBFM), créée en avril 1956, en pleine guerre d’Algérie, se voit confier le sous secteur de Nemours, dans l’ouest oranais ; sa zone d’action s’étendant d’Honaïne à l’est, jusqu’à la frontière marocaine à l’ouest, et du littoral méditerranéen jusqu’à la ville de Nédroma, au sud.
Elle est alors composée de commandos de Marine pour la neutralisation de combattants indépendantistes interceptés, d’un groupement d’hélicoptères de l’aéronautique navale (GHAN) pour l’envoi des renforts et les évacuations sanitaires, de bâtiments de surveillance maritime pour des bombardements ponctuels, d’avions de l’aéronautique navale pour la surveillance aérienne et les tirs d’armes automatiques. Des supplétifs (harkis) sont engagés, pour former le commando « Yatagan », renommé « Tempête », ou pour former des harkas, intégrés dans les compagnies.
La FORFUSCO se compose aujourd’hui de commandos marine dont les compétences et le savoir-faire exceptionnels sont reconnus et parmi les plus renommés au monde.

les commandos marine
Sources : site du ministère des Armées © Marine nationale

V - Traces photographiques du passé

Les photographies qui suivent sont des témoignages du passé, de la vie militaire à la vie quotidienne, de l’embarquement à Mers-El-Kébir en juin 1962 à l’installation définitive à Largentière. Ces documents, à la fois historiques et familiaux, font partis de fonds privés.
Que les personnes qui ont accepté de les partager en soient ici remerciées.

La vie de militaire

La demi brigade de fusiliers marins lors d'un défilé
La demi-brigade de fusiliers marins lors d'un défilé © Michel Salah
revue des troupes
Revue de troupe de la DBFM © Michel Salah
moment de convivialité entre hommes, en fin de journée
Moment de convivialité entre hommes, en fin de journée © Michel Salah
Des hommes de la DBFM, prêts pour une patrouille
Des hommes de la DBFM, prêts pour une patrouille © Robert Bertrand
troupes
Section de la DBFM en formation © Robert Bertrand
les harkis et la demi brigade de fusiliers marins
Les harkis et la demi-brigade de Fusiliers marins © Robert Bertrand

Avant l'exode

Fille de harkis
Filles de harkis en Algérie, pères en uniforme en arrière-plan © Mohamed Mouslim
le 9 juin 1962, embarquement sur le Trieux à Mers el kebir
Le 9 juin 1962, embarquement sur "Le Trieux" à Mers el Kebir © Robert Bertrand
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Le 9 juin 1962, embarquement sur "Le Trieux" à Mers el Kebir © Robert Bertrand
Des familles qui embarquent pour un inconnu lointain (détail de la photographie précédente)
Des familles qui embarquent pour un inconnu lointain (détail de la photographie précédente) © Robert Bertrand

 Scènes de la vie quotidienne à l'arrivée en France

La vie, sous les tentes au camp du Larzac
La vie, sous les tentes au camp du Larzac © Mohamed Mouslim
La vie, sous les tentes à Largentière avant la construction de la cité
La vie, sous les tentes à Largentière avant la construction de la cité © Mohamed Mouslim
Le seul et unique point d'eau du village
Le seul et unique point d'eau du village © Mohamed Mouslim
Visages d'une femme et d'un enfant
Portrait d'une femme et d'un enfant, entre 1962 et 1963 © Mohamed Mouslim
femme
Portrait d'une femme, entre 1962 et 1963 © Mohamed Mouslim
femme et son enfatn
Portrait d'une femme et d'un enfant, entre 1962 et 1963 © Mohamed Mouslim
Le travail à la mine Pennaroya
Le travail à la mine Pennaroya, 1968 © François-Xavier Bibert

L'hommage aux harkis de la DBFM

Inauguration de la stèle en 2002
Inauguration de la stèle en 2002 © Mohamed Mouslim
Cérémonie de passation du drapeau de la DBFM par le Contre-amiral LUCAS, Commandant la FORFUSCO, le 25 septembre 2018 à Largentière crédit photographique ONAC-VG – SD 07
Cérémonie de passation du drapeau de la DBFM par le Contre-amiral Lucas, Commandant la Forfusco, le 25 septembre 2018 à Largentière © ONACVG